Prévenir le risque d’exposition à des fibres d’amiante du public et des travailleurs passe par un repérage de l’amiante rendu obligatoire par les dispositions du code de la santé publique et du code du travail. Les diagnostics amiante constituent un élément clé de la prévention des risques liés à une exposition à l’amiante.
Afin de fiabiliser la qualité des prestations, l’État avait décidé de compléter l’obligation de faire réaliser des diagnostics amiante par une certification de personnes physiques sur le domaine de l’amiante. Pour les missions les plus complexes (amiante avant démolition ou examen visuel après travaux), les opérateurs devaient disposer d’une certification amiante avec mention visant à valider un niveau de compétence adapté à la complexité de ces missions.
Cette exigence de compétence amiante avec mention fut étendue après la publication de l’arrêté du 16 juillet 2019 aux repérages de l’amiante « avant travaux » dans les immeubles bâtis.
Le 24 juillet 2019, le Conseil d’État a décidé d’annuler le dispositif de certification prévu par l’arrêté compétence du 25 juillet 2016 au motif qu’une norme payante (citée dans l’arrêté compétence) ne peut être mentionnée comme d’application obligatoire et de fait imposée par voie réglementaire. La conséquence de l’annulation de cet arrêté est de supprimer le niveau de certification avec mention en revenant au dispositif précédent qui ne la prévoyait pas (Arrêté du 21 novembre 2006).
C’est ainsi que la preuve de cette compétence (certification amiante mention) acquise par plus de 3000 opérateurs semblait devenir inutile.
Néanmoins une représentante du Ministère de la transition écologique et solidaire / Ministère de la cohésion des territoires précisait courant juillet :
« les certifications délivrées sur les critères de l’arrêté de 2016 restent en vigueur : en effet, l’annulation d’une réglementation générale est sans effet sur les décisions individuelles créatrices de droit acquis prises sur le fondement de la réglementation annulée » complétant ce propos par « L’administration travaille à proposer dans les meilleurs délais un nouveau cadre juridique pour que les dispositifs mention ou sans mention, prévus par l’arrêté du 25 juillet 2016 soient maintenus jusqu’au 1er janvier 2020, date d’entrée en vigueur de l’arrêté du 2 juillet 2018 ».
Courant août 2019, l’entreprise AC environnement spécialisée dans la réalisation du diagnostic amiante s’estime lésée au motif que seulement 64 de ses 200 salariés ne disposent de la certification avec mention et que l’arrêté relatif au repérage amiante avant travaux imposant désormais la certification amiante avec mention s’applique au lendemain de sa publication.
Comme les opérations de repérage amiante représentent 80% de leur activité, la société AC environnement a décidé de contester auprès du Conseil d’État l’obligation de certification avec mention requise pour réaliser les diagnostics amiante avant travaux, alors même qu’elle n’existait par ailleurs déjà plus suite à l’annulation de l’arrêté compétence du 25 juillet 2016.
L’ensemble de la profession savait depuis deux ans que la certification amiante mention serait exigée pour réaliser des diagnostics amiante avant travaux, il est surprenant que la société AC environnement l’ait découvert le jour de la publication de l’arrêté ! Incompréhensible même qu’elle n’ait pas anticipé ce que tous savaient, alors que dans le même temps des centaines d’opérateurs se sont mobilisés pour suivre la formation et la certification avec mention afin de répondre à cette obligation !
Ceux qui sont attachés à la qualité des prestations et au respect des obligations réglementaires, eux, ils étaient prêts !
C’est ainsi qu’après avoir annulé le dispositif de certification avec mention, le Conseil d’État a suspendu dans une ordonnance du 27 Août 2019 l’obligation de disposer d’une certification avec mention pour réaliser les diagnostics amiante avant travaux dans les immeubles bâtis.
Si de nombreux opérateurs spécialisés dans les missions de repérages amiante avant travaux ou démolition se réjouissaient de l’obligation de disposer de la certification amiante avec mention pour réaliser ce type de mission, ils ne peuvent aujourd’hui malheureusement que déplorer la situation dans laquelle on se trouve. Ils sont aussi en droit de s’inquiéter du niveau de qualité et du prix des prestations qui continueront a être proposées sur le marché par ceux qui se réjouissent de cette décision de faire baisser le niveau de compétence nécessaire à la bonne réalisation de ces missions.
Le marché du repérage amiante avant travaux ou démolition et l’examen visuel est donc, pour l’heure, ouvert à tous les opérateurs y compris à ceux qui ne disposent pas d’une certification amiante avec mention.
Ainsi certains pourront réaliser des prestations avec un niveau de prix et de compétence si faible qu’il leur sera possible de continuer à inonder le marché du repérage par des prestations d’une qualité médiocre. La société AC Environnement, peut effectivement se réjouir du succès de son action auprès du Conseil d’État et pourra continuer à réaliser 80% de son activité avec seulement 64 opérateurs certifiés avec mention comptant parmi leur effectif total d’environ 200 salariés.
Ceux qui développent leur société grâce à des obligations législatives et réglementaires devraient parfois être en mesure d’accepter les contraintes visant à élever le niveau de compétence de notre profession et fiabiliser la qualité des prestations.
Ceux qui écrivent la législation seraient quant à eux bien inspirés de tenir compte de l’avis et des propositions des professionnels pour améliorer le dispositif de certification et veiller à ne pas confondre vitesse et précipitation en vue de rattraper le retard accumulé dans la mise en œuvre d’un dispositif législatif et réglementaire attendu depuis des mois.
Quant au conseil d’état, c’est dommage qu’il juge le droit et pas le bon sens !
Arrêté du 16 juillet 2019 sur le diagnostic amiante avant travaux : Que faut-il savoir ?
5 septembre 2019